Spiritueux de Belgique ou presque
Nul mieux que Baudelaire n’a jamais décrit l’alcool et ses plaisirs sans oublier ses dangers. Oui, parce que je dois vous mettre en garde, les pages qui suivent peuvent vous faire croire aux paradis artificiels qui ne sont pas plus vrai que les autres, soit dit en passant.
Si la Belgique est indéniablement une terre de bières, elle est depuis longtemps une terre d’alcools. Les p’tits blancs ne se comptent plus et sont souvent symboles de cultures locales populaires et coulent à flot lors des fêtes de Wallonie et autres. Même si pour l’immense majorité d’entre eux, ils viennent de Flandre.
Le Belge n’est jamais régionaliste en matière de liquide festif. A côté de cette production « bien de chez nous » on compte une belle brochette de producteurs d’alcools d’un très beau niveau. La folie des gins n’a pas fini de balayer notre royaume même si elle s’essouffle fortement au nord, elle continue joyeusement au sud. Ajoutez à cela quelques magnifiques productions de whiskies, d’eau de vie de vins, de spécialités originales, de liqueurs et même de rhum actuellement et vous aurez une vague idée de ce qui se fait chez nous.
Je me dois d’être honnête, tout n’est pas génial, pas mal de joyeux clampins font du pseudo belge alors que c’est juste embouteillé et étiqueté chez nous. Cela n’empêche pas de se faire plaisir, je vous l’accorde. Le tout étant de le faire avec une modération convenable surtout sans prendre la route ensuite. Car là, on confine au ridicule absolu, il y a des limites que même les plus cons d’entre nous se doivent de ne pas franchir.
Un peu d’histoire
C’est Arnaud de Villeneuve, docteur en médecine et théologien de l’université de Montpelier, qui aurait, le premier soigné ses patients avec de l’eau de vie, dans la seconde moitié du XIIIème siècle.
L’alambic et l’alcool sont arrivés chez nous depuis le monde arabe, par l’intermédiaire des médecins alchimistes musulmans dans le courant du même siècle. L’alcool va se propager dans toute l’Europe occidentale et puis centrale, par l’entremise de missionnaires qui, non seulement christianisaient les confins du continent, mais « savaient » la médecine aussi. Ainsi, Saint Patrick, moine irlandais, apporta-t-il la distillation en Ecosse.
D’autres encore la portèrent dans les régions orientales, c’est ainsi que naquit la Vodka, qui tiendrait son nom de Vodka Voda, petite eau. A ce propos, la légende qui voudrait que les meilleures soient issues de la pomme de terre n’est qu’une…légende puisque l’essentiel de la production est issu de grains. Avec le temps le processus de distillation va s’affiner et se localiser, c’est l’apparition des spécialités de terroir.
Le cidre distillé donne du Calvados, le vin distillé donne le Cognac et/ou l’Armagnac. Le gin, originaire des Pays-Bas, c’est à dire aussi la Flandre, prendra du galon lorsqu’un prince d’Orange devint roi d’Angleterre ; séparant définitivement le gin et les eaux de vie de grain que l’on nomme chez nous « genièvre ».
Le whisky n’étant jamais qu’un distillat de bière sans houblon, il était normal qu’un jour il arrive chez nous, et avec un succès certain.
Bref, le paysage est infini, les créations sans limites elles aussi, et nos distillateurs n’ont vraiment pas à rougir par rapport à ce qui se fait chez nos voisins. La Wallonie est une terre de fêtes, et qui dit fête dit aussi p’tite goûte. Du tonnelet des cantinières des marches d’Empire de l’Entre Sambre et Meuse au cortège funèbre de Mati L’owé, il est toujours question de just’une p’tite goutte chez nous.
Alors j’ai fait un petit tour d’horizons pour vous décrire quelques produits locaux…
Gins
Cin’Kin
43%vol
17/20
Un gin produit à base de « Cucurbita Maxima » unique au monde. Non ce n’est pas une insulte, il s’agit juste d’une variété de courge : le potiron bleu en provenance de Corbion. Et ce spiritueux réside au clos des Macrales, distillé à Kortemark, bref une véritable histoire bien belge. J’adore le nez, bien poivré, avec de belles notes de genièvre. La bouche est ronde, souple, bien fruitée. Voilà une bien belle passion qui donne un magnifique résultat.
1836 Gin BIO « Tchin T’Gin » approved by Julien Lapraille
42%Vol
16/20
Voilà notre rouquin favori collé sur une bouteille de gin ! Il est partout et en plus il ajoute toujours sa patte gaumaise où il passe. Donc, dans cette cuvée on trouve de l’aspérule odorante, LA fleur locale. C’est une bien belle cuvée que voilà, pleine de vie, florale, et toute en douceur. A découvrir sans tarder.
Perfect Day “Real Belgian London Dry”
42%vol
17/20
Manu De Cort est un grand du gin, un très grand contrairement à ce que son patronyme pourrait laisser croire. Après avoir créé en compagnie de son épouse une ligne de gin « Ground Control », ici il s’aventure sur le classique London Dry marqué par des notes d’agrumes, entre citron et orange qui évolue vers la verveine et l’iris. C’est tout simple, bien droit et en résumé c’est tout simplement « bonheur ».
Cala Gin
40%Vol
16/20
Il y a probablement autant de gins chez nous que d’envies de producteurs. Ici, l’homme a la tête de l’aventure a flashé sur le parfum du Kumquat. C’est à la distillerie de Biercée qu’il a confié le soin d’élaborer son produit, et le résultat est la hauteur de toutes mes espérances. Dieu que cela sent bon, il serait presque criminel d’y ajouter du tonic de peur de gâcher. A découvrir sans tarder !
« Mont-Saint-Jean » Waterloo Gin
40%vol
15/20
De ce lieu mythique où tant d’anglais ont laissé leur empreinte, et leur vie, ne pouvait sortir qu’un gin bien fichu. A base de bière, élaboré dans la micro-distillerie sur place, voilà un classique qui se marie parfaitement avec tous les instants de la vie. Il existe plusieurs cuvée, mais la toute simple est parfaite, dominée au nez par les agrumes et très savoureuse sans jamais être brulante en bouche.
Whiskies
Belgique terre de bière, il est normal que l’on y trouve du whisky qui est très semblable au jus de Gambrinus dans ses fondements. Ensuite l’histoire diverge un peu…
Filliers 10 Ans Single Malt Sherry oak cask
43%vol
16/20
Chez Filliers, la distillation d’eaux de vie de grains, on sait de quoi il s’agit et depuis un sacré bout de temps, alors, élaborer un whisky, c’est un peu l’évidence même. Cette belle bouteille, le 10 ans d’âge se présente par un nez épicé, où le fût est franchement perceptible. En bouche, c’est plutôt fruité au départ, avec une évolution épicée rapide. L’ensemble est marqué par la vanille et un peu de buter scotch. Un magnifique cadeau pour les fêtes c’est sûr.
Belgian Owl « The Private Angels, limited edition” 60 mois Bourbon Cask
72,6%vol
19/20
Etienne Bouillon est LE maître du whisky dans notre royaume et un peu au-delà. L’homme à un toucher exceptionnel qui le place incontestablement dans top mondial des distillateurs. Bon, cette cuvée peut paraître un peu effrayante, mais, sachez que vous pouvez la réduire avec un peu d’eau de source pas trop minéralisée. Quelques gouttes et le tour est joué. C’est tout simplement exceptionnel, un peu monolithique au départ, mais quand ça s’ouvre ça explose tout au passage, mais sans brutalité. Dieu que c’est complexe, riche, droit, plein, tendu même. Un tout tout grand whisky a ne pas mettre entre toutes les papilles…
Autres créations
Nos distillateurs ne se cantonnent pas seulement dans deux ou trois spécialités, ils se montrent même assez créatifs, c’est le moins que l’on puisse dire.
« Komorebi » Eau de vie d’Estragon Distillerie Gervin
40,4%Vol
18/20
Vincent Gervin est un sacré personnage, un gars qui se fait plaisir dans son boulot dès qu’il en a l’occasion. Avec cette série spéciale, ultra limitée, il apporte une touche de folie dans sa gamme aux accents plus classiques. Cette eau de vie d’estragon est grasse en bouche, bien ronde, sans côté piquant. Le parfum et la saveur de l’herbe sont hyper présent mais sans caricature. C’est vraiment hors normes et superbement bien réalisé !
Duvel « Limited Edition 10 years aged” 2019
Eau de vie de bière
40%vol
15/20
Un bon p’ti brun pour faire plaisir à toute la famille lors des réunions dominicale. C’est classique, bien rond, fruité même ; avec des touches de vanille et de caramel. C’est moyennement long, et, franchement, c’est bien foutu.
Esprit de Quintine
Eau de vie de bière
46%Vol
16/20
Rien de tel quand on est aussi propriétaire de la distillerie de Biercée que de faire transformer sa sorcière bien aimée en spiritueux. C’est assez carré, du genre qui cogne un peu dans le fond de la bouche mais c’est superbe au nez. Délicatement parfumé, subtilement puissant, ce n’est pas sorcier de se rendre heureux.
Art Maniaque by Leroy Prevot
Eau de vie de vin
40%Vol
15/20
C’est l’histoire d’un gars qui termine ses études d’oeno et qui rentre bosser à la maison. On lui demande de s’occuper et de ranger le stock et de trouver une destination a quelques palettes de vieux bourgognes. Les jeunes sont iconoclastes et les vins font un peu la gueule, donc, direction la distillerie de Biercée et transformation comme disait Goldorak. A l’arrivée, une eau de vie très ronde, très douce, qui aurait comme des airs de rhum de mélasse, avec une pointe fruitée en plus. C’est très plaisant et cela plait, je l’ai testé, vraiment à tout le monde.
Filliers Barrel aged Genever 8 years old
40%vol
17/20
Franchement il m’est impossible de faire un petit tour d’horizon de nos gloires nationales sans proposer un genièvre. Bon, je vous l’accorde nous sommes loin ici du pecket des familles ; on serait plutôt dans le genre raffinement ultime. Si on m’avait dit plus tôt que le genièvre pouvait être ça aussi, j’aurai probablement embrassé ma carrière autrement. Qu’est-ce c’est bon, bien fait, fin, délicat, élégant. Le bois pèse un peu au début, mais après quelques secondes on est dans le chocolat au lit, les épices chaudes, le caramel et la vanille. Juste magnifique.
Alcools belges, enfin presque
Petit chapitre spécial au sujet de spiritueux qui jouent la carte de la transparence et ne jouent pas l’opacité en affirmant être produits en Belgique. Ce qu’ils ont de local se trouve dans le lieu de mise en marché et/ou la nationalité des entrepreneurs. Souvent, le « spirit » de base est acheté à l’étranger et la finition se fait en Belgique dans les meilleurs des cas, en général pour des raisons économiques, parfois techniques. Malheureusement tout le monde ne joue pas le jeu et il y a bien trop de productions « locales » qui ne le sont que sur l’étiquette. J’ai regroupé ici quelques produits qui ne font pas semblant, sont très bons et méritent que l’on s’y attarde en espérant qu’un jour ils soient entièrement produits chez nous. A contrario, lisez bien les étiquettes, souvent les produits entièrement élaborés dans le royaume l’indiquent.
Brussels Dry Gin
37,5%vol
15/20
Une belle cuvée de gin, embouteillée et terminée dans la capitale. Très classique d’approche, le nez est très net, avec un bel équilibre en bouche. Cela manque peut-être un peu de degré, mais pour un GinTo cela le fait bien.
Brussels Distillery Vodka
37,5%Vol
16/20
C’est l’histoire d’un jeune qui découvre la distillation dans le cadre de ses cours et qui se passionne pour la chose. A tel point qu’il entraîne son père dans l’aventure. Actuellement le tout petit alambic ne distille que les compléments aromatiques élaborés pour compléter les produits, Gin et Vodka. L’avenir nous dira l’évolution de la passion familiale. Cette vodka est très souple, en rondeur, avec un côté gras qui fait du bien en bouche. C’est joli, en finesse, et pas de brûlant. Une belle vodka bien foutue.
Xau Premium Vodka
40%Vol
17/20
Ici, ils ne font même pas semblant de vendre un produit belge. Certes ils le sont, 100% BBB, mais les associés ont préféré jouer la carte de l’ultra luxe à la française avec un côté un peu bling-bling qui pourrait s’avérer un peu rédhibitoire à priori. Mais allez un poil plus loin, cette Vodka distillée en Bourgogne par des artisans en place depuis sept générations est juste parfaitement dingue. Elle est toute en rondeur, le genre de produit qui fait regretter de ne pas l’avoir rencontré plus tôt. Pour une fois le ramage et le plumage sont à la même fréquence.