Ô Chardonnay, que de crimes on commet en ton nom

C’est le Christiano Ronaldo du vin

S’il est un cépage qui s’est transformé en marque bien plus que tous les autres c’est bien celui-ci. Depuis au moins un demi-siècle, le voilà porté dans toutes les grandes surfaces du monde, ou presque, comme un totem. Les moindres études marketing le confirment, l’acheteur « lambda » comprend rarement la notion de cépage et la complexité attenante. Mais il achète son vin en fonction de quelques critères qui vont de la beauté de l’étiquette au prix en passant par la notion régionale et…le cépage. Du moins dans le cas des superstars internationales. En terme de joueur de foot, le chardonnay c’est un peu le Christiano Ronaldo des temps modernes. Parfait, rasé, capable d’étincelles qui confinent au génie, barbant comme un mec cherchant la perfection. Tout est dit ou presque.

Success story

Pourquoi ce succès ? : d’une part pour des raisons historiques. Il est le seul cépage des grands blancs bourguignons et, lorsque les GI’s sont arrivés chez nous, certains d’entre eux ont découvert ces vins parfois incroyables. Ça les changeait du lait. De retour au pays, ils ont, malgré eux, fait la promotion du cépage. Coup de bol, il était déjà planté mais pas dans les proportions actuelles et certainement pas avec la notoriété qui est la sienne aujourd’hui. D’autre part, son succès est lié à sa facilité de travail. Le chardonnay c’est le SUV des cépages, il s’adapte bien presque partout. A tout le moins nettement plus facilement que la majorité des cépages blancs internationaux. Il pousse en plaine, en altitude, en climat froid, en climat chaud. Il convient parfaitement à l’élaboration de vin effervescent aussi bien qu’aux vinifications classiques « barriquées » sans oublier qu’il donne des résultats surprenants en vendanges tardives.

Corolaire négatif de ces points positifs, le chardonnay est le plus souvent perçu comme une marque et les industriels de la chose en font une caricature bien boisée à coups de copeaux pour 5,5€ en linéaire.

D’où vient ce cépage ?

Ce cépage, noirien, issu du croisement entre le Gouais et le pinot, trouverait son origine dans le quart Nord Est de la France. Il y a bien un village nommé Chardonnay situé dans le Haut Maconnais, qui a d’ailleurs le droit avec 26 autres localités d’ajouter le nom du cépage derrière l’appellation Macon. Mais dans le plus grand traité d’ampélographie et de viticulture de l’histoire, même s’il est un peu obsolète aujourd’hui, le Viala et Vermorel, il est dit à l’heure de la publication (entre 1901 et 1910) qu’il n’y a que du rouge planté sur place. Il est souvent expliqué que l’endroit où il y a le plus de synonyme pour un cépage est son foyer d’origine ; ce qui confirme la thèse du quart Nord-Est sans plus de précision.

À chacun son petit nom

Pour votre culture et l’édification des masses, voici quelques synonymes en usage en France :

Pinot blanc, mais c’est une erreur, car ce n’est pas la forme blanche du pinot noir. Morillon blanc, beaunois dans l’Yonne, aubaine en Saône et Loire, auvernat dans la région d’Orléans, chaudenay en Touraine, melon d’Arbois, gamay blanc dans le Jura, petite Sainte Marie en Savoie. En Autriche il se nomme aussi Morillon. Et aux USA Chawdonèèèèèèèèè.

La vraie problématique de ce cépage se situe au niveau de l’imitation, ou de l’influence stylistique si je veux un peu adoucir mon propos. Même en Belgique, les producteurs de chardonnay tranquille se sentent obligés de tenter de ressembler aux grands Bourgogne. Surtout par les prix, pas tellement par les qualités intrinsèques des vins. C’est idiot et témoigne d’un manque criant de vision du marché du vin ainsi que d’originalité.

Il existe des chardonnays magiques, sans bois, tout en fraîcheur, dans le genre de ce que demande la planète en ce moment. Tenter de reproduire les grands d’ailleurs c’est manquer cruellement de personnalité. Certes, le principe du benchmark est une idée plaisante pour se situer, mais à quoi bon stagner à vouloir imiter ? On trouve des chardonnays d’exception tant en Bourgogne, qu’en Jura, ou en Champagne, même en Alsace ou ailleurs. Pourquoi toujours vouloir enfermer les qualités de ce cépage dans un schéma lié à une seule région ? Je me pose la question depuis trop longtemps. J’espère que vous vous laisserez aller à découvrir le chardonnay sous toutes ses formes, car personne n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.

Que vos dégustations soient belles.

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