Bio, biodynamie, naturel…qui est qui ?

Le monde du vin bruisse : les monopoles scandinaves, parmi les plus gros acheteurs de la planète, ont proclamé qu’ils veulent 50% de bio d’ici à 2035. C’est-à-dire demain matin, en terme de viticulture.

Malheureusement, ce n’est pas aussi simple que cela pourrait le paraître.

Petit point à propos des différentes méthodes culturales utilisées régulièrement en Europe. Parce que les labels ne se valent pas. Si l’Europe est plutôt sourcilleuse en la matière, il n’en va pas de même pour le reste de la planète. Dans certains cas, comme pour les USA, ils contiennent parfois des substances interdites chez nous mais arrivent quand même sur nos tables par le biais d’accords commerciaux bilatéraux.

Pour vous donner un ordre d’idée par rapport aux intrants chimiques, les surfaces utilisées pour la viticulture en France représentent moins de 4% des terres cultivées. Mais elle représente 80% des fongicides et 20% des pesticides utilisés en moyenne chaque année. Lisez attentivement : cette chimie n’arrive pas forcément dans les vins. Il faut nuancer, même si, c’est une évidence, la viticulture doit se réformer en profondeur par rapport à certaines pratiques.

Quelles sont les principales formes de viticulture actuellement en Europe occidentale :

  • Le conventionnel

    Hou le vilain mot. C’est-à-dire une agriculture à la papa, qui use et abuse de la chimie. Mais qui, parfois, est frappée au coin d’un certain bon sens et nécessite nettement moins de passage d’engins de travail et présente donc un bilan carbone pratiquement parfait.

  • Les labels HVE

    (Haute Valeur Environnementale) et Terra Vitis : ce sont des labels de viticulture « raisonnée ». Ce qui signifie que les viticulteurs n’utilisent les produits chimiques que dans les cas de nécessité absolue. C’est joli, mais cela signifie assez peu de choses, bien que les mentalités évoluent et doivent forcément commencer par quelque chose.

  • Agriculture Biologie

    (label reconnaissable grâce à l’Eurofeuille) : Il assure le respect du règlement européen en terme d’agriculture biologique.

Pour cela il y a deux principes majeurs :

  1. la vigne dont sont issus les raisins à vinifier ne doit avoir reçu aucun traitement à base de produits chimiques de synthèse au cours des trois dernières années (au moins).
  2. à la place de la chimie, le vigneron bio utilisera des pesticides naturels, tels que le cuivre et le soufre. Pour ces deux éléments, des doses maximales doivent être respectées en terme d’utilisation par Ha pour le Cu et en terme de mg/L pour le Soufre.

Hélas, c’est là qu’est l’os, le cuivre présente une grosse toxicité pour l’environnement. Il aurait tendance à stériliser les sols en profondeur. Et l’on évoque souvent 1 siècle pour éliminer les traces d’1 kilo de la fameuse bouillie bordelaise qu’utilisaient les anciens à des doses massives.

La nouvelle réglementation en vigueur limite à 4Kg/ha/an, pendant une période de 5 ans, l’utilisation de ce produit.

Malheureusement, dans le dérèglement climatique actuel c’est parfois bien trop peu pour sauver une récolte attaquée par l’oïdium ou le mildiou. Ce fut le cas en 2018 pour une grosse partie de la France. Par exemple, de Bordeaux jusqu’aux Pyrénées, certains domaines ont perdu plus de 80% de leur récolte. Ce qui explique en partie la sortie du « bio » de certains domaines.

Rien n’est simple vous écrivais-je plus avant. Le Bio est à la croisée des chemins, il doit se remettre en cause, dissocier le bio industriel du bio de proximité. Et les consommateurs doivent comprendre que des tomates bio en plein hiver ou des aubergines bio venant d’Argentine, c’est de la foutaise. Le bilan carbone de ces productions est un scandale en soi, et mériterait que l’on s’y attarde.

  • La biodynamie

Les scientifiques ne veulent pas en entendre parler et pourtant cela marche. Les pionniers ne le revendiquent même pas sur leurs étiquettes. C’est une philosophie de travail avant tout. Certains s’en font un blason. Je préfère les discrets. De La Romanée-Conti au Roussillon en passant par le Domaine W à Saintes (Belgique) en passant par toute l’Europe, nombreux ceux sont qui s’y sont mis.

C’est très complexe et pourrait parfois paraître ésotérique. Les vignes sont soignées à partir de préparations dynamisées, les traitements sont effectués en tenant compte des rythmes de la lune et parfois de certaines planètes. Seuls les produits de contacts sont utilisés. Ce qui rend cette pratique terriblement contraignante car elle demande une attention constante et un travail de la vigne au millimètre. Il semblerait que cela fonctionne parfaitement sur des propriétés à taille humaine. Les résultats sont somptueux, mais les vins sont dans des catégories de prix relativement plus hautes que la moyenne du marché.

  • Les vins nature.s ou nature.l.s.

Il est compliqué, sinon impossible de résumer cette tendance, qui représente plus ou moins 2% de la production française actuellement et à peu près 95% de la communication sur les réseaux sociaux. D’autant qu’il n’y a ni définition claire ni réglementation. Chacun cherche son chemin. Certain avec bonheur et talent, d’autres avec moins de réussite. La tendance n’est pas neuve, elle prend ses racines dans les années trente et trouve quelques immenses vignerons pour avancer. De Jules Chauvet à Marcel Lapierre le nature a bougé doucement mais surement. Déjà dans les années 90, on trouvait une belle palette de ces produits chez nous.

Ceux qui élaborent ces vins, ils revendiquent de produire des vins « vivants »

Mais c’est au début du nouveau millénaire que les choses se sont accélérées et que l’écho s’est amplifié. Sans sombrer dans les nombreux clichés à la limite du dogme parfois que véhiculent ceux qui élaborent ces vins, ils revendiquent de produire des vins « vivants », par opposition aux autres vins qui seraient tués par les saveurs de la chimie et les traitements de la vigne. Peu de travail dans les vignes, peu ou pas d’intervention dans les caves, levures naturelles, élevages oxydatifs, pas de sulfites, pas de filtration sont des bases. La nature agit, et l’humain est à son service. Mais le sujet est bien plus complexe que cela et méritera un espace rien que pour lui très bientôt.

Il ne s’agit ici que d’un résumé lapidaire des techniques agricoles, à cela il faut ajouter les notions liées à la problématique climatique qui est fort loin d’être uniforme, sans oublier que les clients ne sont pas toujours prêts à payer le prix du travail de titans que demandent certaines pratiques…

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