La Bière, boisson des pères ou des mères ?
La bière est une boisson d’homme, d’homme fort, courageux, qui sent bon la bête en fin de journée, qui aime la fumée des cigarettes et la mousse pour refaire le monde, qui fait du VTT et des sports extrêmes…
Et si le slogan marketing le plus à côté de la plaque de ces vingt dernières années était : « Les hommes savent pourquoi » ?
Le goût des femmes est-il différent ?
Avant de tenter de répondre à la question initiale, il faut se poser un tas d’autres questions, et avant tout celle du goût lié ou non au genre sexué des individus. Le goût des femmes est-il différent ? Non, de toute évidence non ! Le goût est lié à la culture, à l’éducation des humains. C’est l’environnement direct qui prédispose le goût, si l’on entend par là la mémorisation et la contextualisation des saveurs, des odeurs. La mémoire joue un rôle fondamental dans le goût, et notre capacité à l’auto-révisionnisme de manière tout aussi importante. La meilleure preuve que nous puissions trouver de ce révisionnisme interne se situe au niveau de la cuisine.
Souvenirs de notre enfance
Lorsque nous tentons une recette venue d’un de nos aïeux, même si nous possédons encore l’ustensile de cuisson et la recette précise au gramme près, ce que nous mangerons sera toujours un peu moins bon que dans notre souvenir. Pourtant, c’est exactement la même chose, probablement meilleure encore ; simplement, quelques décennies sont passées par là et ont magnifié le souvenir des saveurs de notre enfance. Nous évoluons dans notre perception des saveurs, des parfums au fil de notre vie, il semble que notre capacité olfacto-gustative diminue clairement après le cap des septante à septante-cinq ans. Du moins c’est ce qu’en raconte le web dans sa toute-puissance d’aide à mes maigres capacités scientifiques.
Le goût n’est pas une donnée linéaire et unique
L’entraînement, les vicissitudes de la vie, les maladies, les addictions, les changements climatiques, d’humeurs et autres éléments particuliers impactent clairement nos capacités à goûter. Cela va jusqu’à la température, la forme du verre ; l’épaisseur, la coupe, et même, d’après certains experts, le matériaux. Bref, le goût n’est pas une donnée linéaire et unique cernable en quelques minutes et mots. Notre capacité gustative est extrêmement complexe.
Certes, on pourrait argumenter que l’éducation est souvent liée au genre et ce, dès la plus tendre enfance. C’est une possibilité qui n’est pas à écarter dans le cadre d’une tentative de réponse à la question de base posée dans le titre. La vie des ados et des adultes est aussi définie par cette frontière invisible qui sépare les mâles et les femelles tout au long de leurs existences. Il y a donc une différence de perception des choses, une différence de préhension environnementale, mais pas gustative.
Certaines cuvées « rosées, basses en alcool, à boire sur des glaçons » ne résistent pas vraiment au passage du temps
Alors, E kwè là d’in, boisson des pères ou des mères ? Existe-t-il des bières de femme et des bières d’homme ? Puissent les brasseurs ne pas s’engager sur le même chemin de l’idiot-marketing que les vignerons de l’immédiat après-guerre qui ont cru séduire des cohortes de gonzesses dans le Sud du Rhône ou sur la Loire en produisant des rosés plus ou moins édulcorés que nos grand-mères ont, fort heureusement pour leurs voies urinaires, dédaigné dès l’abord. Oui, bien sûr, certaines cuvées « rosées, basses en alcool, à boire sur des glaçons » cherchent un public plus « girly », plus jeune, mais, bonheur de bonheur, elles ne résistent pas vraiment au passage du temps et leurs ventes s’effritent plus vite que les falaises de Douvres en hiver.
Si on s’en tient à toutes les productions légères, douceâtres, sucrées et fruitées destinées aux adolescentes voulant noyer leurs frustrations justinbiberiennes dans des flots de bièèèèèèèèèères, pas de danger, la bière des mères ou la bière des pères, sera surtout, je le souhaite, la fête des bières. Et ça, même si ce n’est pas une bonne réponse, c’est déjà une bonne nouvelle !