A voir les achats-paniques des premiers jours du confinement, oublions le délire autour du papier hygiénique, il y a des questions à se poser.
Paradoxes culinaires
Les plats préparés, les pizzas surgelées et autres joyeusetés du genre ont explosés les scores. La réouverture des drive-in des néfaste-foods, en a remis une couche assez épaisse. Et pourtant, les réseaux sociaux, y compris TikTok, sont saturés de conseils, tutoriels, photos de recettes plus ou moins expérimentales sorties tout droit de l’esprit de professionnels ou de quidam. Tout le monde se doit d’y aller de sa petite recette, de son pain cocotte et de ses asperges à la flamande depuis quelques jours.
Étrange contraste, entre le monde virtuel et la réalité, où la table se fait le plus souvent indigente. Non pas par manque de produit, nous vivons dans un pays très riche et il n’y a pas de pénurie alimentaire ; même la farine est revenue dans les rayons c’est dire, mais par manque de connaissance, de pratique, de plaisir.
Au travers de ces publications sur les réseaux sociaux, il est facile de constater la rupture importante entre les urbains et les autres. Hors les villes, il semble naturel de préparer ses repas et de prendre le temps d’y mettre du plaisir. En ville, on achète parfois de beaux produits et on fait une photo digne de Top Chef pour bien signifier son appartenance à l’une ou l’autre tribut alimentaire.
Le Belge et sa bière
Quant aux boissons, alors là , c’est un phénomène particulier. Assez étrange. Le crash économique brassicole belge actuel ne sera, je l’espère que passager, mais il interpelle. Le Belge moyen, qui se considère en général comme un connaisseur en bière, s’y connaît à peu près comme le Français moyen en matière de vin. C’est à dire qu’il n’y connaît rien. Dans une vie, s’il n’est pas vraiment addict à la chose, il boira quatre types de bière. Une pils bon marché comme étudiant, une pils de marque lorsqu’il descendra de sa tondeuse auto-tractée, une triple de temps en temps avec des copains ou seul à la maison et, s’il n’a pas de chance et est doté d’un neveu qui brasse dans sa cuisine, il devra déguster les élucubrations du petit.
J’écris LE belge intentionnellement, car, malgré un début de changement dans les comportements, pour les femmes, cela se résume bien trop souvent à de la chope en guindaille et une bonne triple brune de temps en temps. Mais dans le même mouvement quasi unanime, nous défendons tous l’idée de l’achat local, du circuit court, des produits de chez nous et je vous évite la ribambelle de clichés attenant. Ce n’est pas lié à la distribution, on trouve de tout partout, ce n’est pas lié au coût, la bière est bon marché, trop vous diront bon nombre de brasseurs par rapport à son prix de reviens.
Résister à la mondialisation du goût
Serait-ce juste l’information qui serait manquante ou plus simplement une curiosité de bon aloi qui ne serait pas au rendez-vous ? Je n’ai pas de réponse claire, mais je penche plutôt pour la seconde option que pour la première. Celui ou celle qui cherche une information la trouvera toujours en quelques secondes, Google est notre ami. Donc nous manquons de curiosité, d’ouverture d’esprit, d’envie de découvrir. Nous avons tous et toutes des envies d’ailleurs, l’aventure est au coin de la rue, mais il faut que tout cela reste dans un cadre contrôlable. Notre alimentation et nos boissons en font partie. Mais à force de manque de découverte, nous nous laissons doucettement enfermer dans un modèle porté par les séries où, à quelques exceptions notables, rien ne parle de goût, de saveurs. Ce que nous ingérons est la première source de globalisation de la pensée sur la planète, et si nous ne nous secouons pas un peu, ceux qui viendront après nous n’aurons même plus l’envie de découvrir…
Il est fort probable que nous ne puissions pas quitter le territoire national durant les congés estivaux. Profitons-en pour redécouvrir nos régions, nos campagnes, des forêts ardennaises au sable des plages, le pays regorge d’endroit plus ou moins préservés qui valent le coup que l’on s’y attarde, et quoi de mieux qu’une belle bière ou un bon verre de vin pour s’immerger encore plus dans nos terroirs ? Vous trouverez pour suivre une sélection de 10 bières et de 10 vins, parfois divins, ok, je fatigue un peu, bien de chez nous. Cela vous fait déjà 20 buts de promenades ou d’excursions, et surtout 20 raisons de vous faire plaisir. Parce qu’à la fin, il n’y a que cela de vrai non ?
LE VIN WALLON
En matière viti/vinicole la Wallonie a le vent en poupe, et est même carrément largement en tête au niveau du royaume. Bon, d’accord, il y a de l’espace et quelques fructiculteurs hesbignons ont trouvé là une idée de reconversion qui fonctionne plutôt bien. La Wallonie vient de passer le cap des 200 ha, c’est peu et c’est énorme à la fois. Les producteurs écrivent leur histoire chaque jour, il faut tout inventer en même temps, c’est énorme. Quelques domaines développent déjà leurs chais dans le but de pouvoir accueillir les touristes, d’autres créent des produits dérivés. Tout avance en même temps, c’est véritablement fascinant. L’avenir sera aussi vinicole chez nous.
- Villers-la-Vigne
Rosé 2018
100% Régent
Disponible uniquement sur place lors des visites.
Villers La Vigne et ses centaines de membres, c’est bien plus que du vin, c’est une aventure qui fait des petits depuis des années. Une bande de cinglés passionnés enseigne aux membres, inlassablement, année après année, l’art de la viticulture et de la vinification. C’est un travail d’équipe qui porte ses fruits régulièrement en hissant les cuvées issues du petit vignoble au firmament du Régent. Au point de triompher dans des concours internationaux. Mais impossible d’acheter une bouteille. Par contre vous pourrez le goûter en visitant le vignoble. Et vous aimerez les arômes de fruits rouges aux notes épicées de ce rosé.
- Château de Bioul 2017
Batte de la Reine
Cabernet Blanc, Johanniter, Solaris
Le Château de Bioul est certifié Bio depuis cette année, mais le chemin a commencé dés la première année de plantation des vignes. C’est aussi le seul domaine, à ma connaissance, à proposer des cuvées parcellaires. Dans ce millésime, j’adore la finesse de la Batte de la Reine, sa belle acidité, et surtout la variété de son nez. C’est à la fois floral, fruité avec une note de poivre blanc. Une superbe bouteille.
- Domaine de la Bouhouille
Chrysalide blanc Pétillant Naturel
100% Souvignier Gris
Un Pet Nat, comme disent les branchouilles d’aujourd’hui, c’est ce que l’on nomme une méthode ancestrale. C’est a dire un vin partiellement fermenté lorsqu’il est mis en bouteille. C’est donc un peu trouble, parce que les levures ne sont pas évacuées, et tous les sucres ne sont pas transformés. Que les amateurs de vins secs ne partent pas en courant, parce que l’acidité naturelle du cépage équilibre le fruité. J’ai terminé la bouteille hier soir, c’est magique. Un vin nature, pas déviant, tout en finesse. Nicolas est un grand vinificateur à découvrir sans tarder !
- Septem Triones 2018
100% Syrah
Jean Galler célèbre chocolatier aujourd’hui à la tête de l’aventure « Chez Blanche » une petite chaine de boulangeries/pâtisseries traditionnelles a, depuis des années, cultivé une passion pour la vigne et le vin. Alors, en homme cohérent, il a développé un vignoble en bio depuis 2009 sur un coteau de Vaux-Sous-Chèvremont. La cuvée 2018 de Syrah a bénéficié des conditions climatiques exceptionnelles que nous connaissons et le résultat est pour le moins époustouflant. C’est tout simplement bluffant, dense, riche, plein, épicé. C’est magnifique.
- Vignoble de Sirault 2018
Première Vendange
Souvignier Gris et Johanniter
Infos:Â thierryvgl@hotmail.com
Sirault est le village natal d’Alice On The Roof et de la bale pelote assise, mais aussi un village viticole. Situé à deux pas de Saint-Ghislain, la localité a vu naître une vraie coopérative d’épicuriens bien décidés à transformer les pâtures du coin en vignoble de qualité. Je vous passe les détails, mais les 2400 premières bouteilles produites sont un coup de maître. Il en reste quelques une à la vente. Agitez-vous vite si vous voulez découvrir la complexité aromatique, plutôt fruitée au nez et fraîche en bouche, de cette belle aventure.
- Vignoble de Bellefontaine 2018
80% Phoenix, 20% Solaris
www.vignobledebellefontaine.be
Quand on pense à Vresse-Sur-Semois, nous ne sommes pas nombreux à penser au vin que l’on produit sur place. Désormais, il faudra changer et se souvenir que l’on y produit un effervescent de qualité sur 5ha. Je n’avais jamais entendu parler de ce domaine, et je dois vous confesser que c’est un véritable coup de cœur. C’est hyper parfumé au départ, avec des notes de poire, de mangue, du lys. En bouche c’est hyper droit, sec, avec une belle acidité. Voilà une raison de plus, s’il en fallait une, pour foncer à la découverte de l’Ardenne.
- Château de Bousval 2018
« Gouttes d’O »
100% Chardonnay
Ce que réalise le propriétaire de ce domaine est juste hors normes. Des parcelles où les vignes ont été plantées, avec un système de drainage particulier jusqu’au chai parfaitement intégré dans le paysage. Mais les moyens ne sont pas tout pour réussir un vin, il faut aussi de la volonté et du talent. Elaborer un Chardonnay tranquille sous nos latitudes n’est pas encore une sinécure. Et ces gouttes d’O sont une bien jolie cuvée. On se croirait dans le nord de la Bourgogne, vers Chitry, avec une touche de gras en plus. C’est bluffant.
- Domaine de Glabais
Crémant de Wallonie
Chardonnay, Pinot blanc, Pinot Noir et Auxerrois
Cultivé à un jet de boulet du champ de bataille de Waterloo, ce domaine de près de 3ha, créé en 2016 à produit en 2018 de quoi remplir près de 20.000 flacons. Dont 10.000 issus de l’assemblage disponibles en ce moment.
Pour faire simple, à la dégustation c’est juste magnifique. C’est fin, délicat, élégant, avec une jolie note florale au nez et une très belle structure en bouche. C’est une véritable réussite. Hâtez-vous parce que malheureusement la grêle a fortement impacté la production 2019 qui sera moindre.
- Domaine du Chenoy 2018
« Grand Chenoy »
Rondo, Pinotin, Régent.
Depuis 2003, année de la plantation des 10 premiers ha, le Domaine du Chenoy est devenu en moins de 20 ans une référence internationale en matière de cépages inter-spécifiques. Le fondateur, Philippe Grafé, a passé la main à un trio dont fait partie Jean-Bernard Despatures, ex-directeur technique de deux grandes propriétés viticoles bordelaises. Les vignes matures donnent aujourd’hui le meilleur d’elles-mêmes. Et la cuvée Grand Chenoy, passée en barriques, est un des plus beaux rouges du royaume. Fruité, velouté, souple, mature, les tannins fins et élégants, la bouche est longue et bien balancée. Il y a là de quoi satisfaire le beau-père le plus chiant de l’univers.
- Le vin de Liège 2019
« Narcisse »
100% Muscaris
Le vin de Liège est une belle aventure, une coopérative encore une fois, qui propose une belle gamme, cohérente, de vins rouges, blancs et effervescents originaux. Cette cuvée Narcisse explose au nez, on est dans la famille des muscats, avec le côté floral et surtout cette note joyeuse de raisins frais que l’on éclate entre ses dents. On garde cette impression en bouche, mais sans trace de sucre au palais. C’est joyeux, printanier en diable et, franchement, unique dans le paysage organoleptique national.